« M… »
est une jeune fille que j’ai rencontrée au mois de septembre, c’était juste
après la rentrée… Elle avait alors 13 ans ½.
J’avais
envoyé un courrier à de nombreux médecins généralistes, leur proposant de
prendre connaissance de mon activité et de donner mes coordonnées aux parents
d’adolescents qui rencontraient un problème pour lequel la réponse ne pouvait
pas être uniquement médicale.
C’est
ainsi que la maman de « M… » a découvert mon existence et m’a
téléphoné, en larmes, me disant que sa fille était allée au collège, le jour de
la rentrée, s’était très vite retrouvée à l’infirmerie et, depuis, ne voulait
plus y retourner.
Je
commence toujours par faire, ce que j’appelle un « entretien de
diagnostic », qui dure entre 1 h 30 et 3 heures. Lors de cette rencontre,
j’ai un dialogue avec les parents, puis, en tête à tête avec l’ado. Enfin, nous
décidons ensemble de poursuivre par un accompagnement, une ou plusieurs heures
par semaine, selon les possibilités des personnes.
Les
parents, quel que soit le cas, me disent toujours : « je ne sais pas
comment vous avez fait, il ou elle ne veut parler à personne, d’habitude !
Lorsque
je suis arrivée, « M… » avait filé dans sa chambre.
Ce
n’était pas plus mal : il fallait que sa maman puisse exprimer ses
inquiétudes, ses angoisses. Il fallait qu’elle puisse pleurer, me raconter à
quel point elle était démunie de voir sa fille souffrir et qu’elle était
blessée d’entendre le CPE dire : « Ah non, ça ne va pas recommencer
comme l’année dernière ! »
De
fait, en 4ème, « M… » avait commencé à avoir quelques
problèmes de comportement, à avoir des punitions et des remarques, à se
rebeller et à faire l’école buissonnière…
Et
oui ! Le problème, c’est que ça commence pratiquement toujours comme
ça !
Si
l’origine de la phobie scolaire n’est pas le harcèlement ou le racket, le jeune
commence par exprimer son malaise en faisant des bêtises…
Ce
sont des maladresses de communication. Ils essayent de contraindre les adultes
à entendre leur point de vue, même s’ils ne savent pas vraiment ce qu’ils
veulent exprimer… : ça ne va pas c’est tout, ou plutôt c’est trop.
En
faisant l’école buissonnière, cette adolescente ne voulait pas aller s’éclater
avec ses copines mais échapper à l’angoisse.
Du
reste, elle n’était pas sortie de la maison de tout l’été, elle ne pouvait plus
sortir…
Ce
premier jour, « M… » a accepté de descendre me parler après que sa
maman soit allée lui dire quelques mots bien choisis de ma part.
Elle
était recroquevillée, elle détournait la tête, mais peu à peu j’ai gagné sa
confiance.
Elle
a compris que je ne venais, ni la juger, ni la contraindre, mais l’aider.
Et
ce qu’elle voulait, c’était ça : qu’on l’aide à surmonter cette angoisse.
Elle
m’a expliqué les choses à sa façon, de son point de vue, légitimement différent
de celui des enseignants, du principal…, j’y reviendrais.
Elle
a finalement accepté ma proposition de travailler ensemble.
Les
premières fois, la maman de « M… » avait caché à son mari que mes
prestations étaient payantes, elle utilisait une partie de son propre salaire
pour venir en aide à sa fille car le papa de « M… » était très
remonté contre elle ; il voulait la contraindre à retourner à l’école en
l’accusant d’être paresseuse…
Je
l’ai rencontré à la fin de ma deuxième visite et là, il m’a exprimé une chose
très intéressante : « ce que je n’aime pas chez elle, c’est qu’elle
ne sait dire ni bonjour, ni au revoir ! » et de fait, « M… »
baisse la tête lorsqu’on lui dit l’un ou l’autre, et elle ne répond pas.
Ce
à quoi j’ai répondu : « ce que vous ne savez pas c’est que votre fille est
timide. »
J’ai
ajouté que pour lui, c’était sans doute inimaginable car elle se sentait très à
l’aise et en confiance avec son père, suffisamment pour blaguer ou répondre…
Mais
face aux autres adultes, c’était autre chose…
J’ai
eu un élève comme ça : à chaque fois qu’il se faisait disputer, et ce
n’était pas rare, il affichait un petit sourire en coin que tout le monde
interprétait comme de l’insolence.
En
fait, il ne savait pas comment réagir : il était tout simplement
gêné !
Fin
de l’épisode 1 de mon travail avec « M… ». Je vous raconterai la
suite bientôt, car, bien sûr, l’histoire continue.
Je
vous parlerai des avancées et des freins…
Mais
peut-être que certains d’entre vous se reconnaissent déjà en elle ou en ses
parents !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire