Je
travaille avec « M… » depuis plusieurs mois, maintenant. La confiance
s’est installée aussi bien avec elle qu’avec ses parents.
Sa
maman, en particulier ne tarit pas de remerciements.
Elle
voit sa fille s’ouvrir et retrouver peu à peu le sourire.
Le
chemin de l’école est pourtant encore loin…
Les
contacts de la maman avec le CPE et le chef d’établissement l’inquiétaient
systématiquement au point qu’elle était dans un état de stress et d’angoisse
quasi permanent.
Elle
avait peur d’avoir des ennuis sans bien savoir ce qui pourrait arriver…
Les
relations de sa fille avec son père rendaient la situation également difficile…
J’ai
commencé, comme je le fais avec chaque jeune, par travailler avec
« M… » sur une projection dans son projet de vie…
Pour
cela, il est nécessaire d’être à l’écoute de ce qu’il est, de ce qu’il aime, de
ce qu’il aime être et faire, de ce qu’il aimerait être et faire.
Rien
n’est impossible… chaque petite marche amène à l’objectif final.
Envisager
l’objectif final, l’avoir toujours à l’esprit, c’est permettre au jeune de
découper la progression en petites marches à gravir.
En
ce qui concerne « M… », l’objectif final est de devenir toiletteur ou
éleveur de chiens et de chats.
Pas
de mensonge, bien sûr, toute profession nécessite une formation.
Même
en apprentissage, il y a des cours à suivre.
Mais
première marche, sortir de la maison…
Parce
que, je le rappelle, « M… » n’était pas sortie de chez elle depuis
juillet.
Même
avec ses parents…
Lors
de notre première rencontre, « M… » m’a parlé du fait que lorsqu’elle
ne comprenais pas quelque chose et qu’elle posait des questions, elle
n’obtenait pas de réponses à ses questions.
Manque
de sens ?
Vraies
questions ?
Toujours
est-il que j’ai bien vu qu’elle avait un vrai niveau de troisième standard…
Elle
n’aime pas les maths mais elle a de vraies capacités, notamment en français
qu’elle utilise avec ses codes de jeunes dans
la mesure où cela lui permet de communiquer de vraies choses qui ont un
vrai sens.
Par
contre, elle aurait une capacité à adapter son discours écrit, de même qu’elle
adapte envers moi son discours oral puisque je ne fais pas de jeunisme ou de
copinage.
J’ai
sa confiance et son respect et elle me dit les choses, même si elle est
toujours un petit animal sauvage avec lequel il ne faut pas commettre d’erreur…
Au
début de l’année, par rapport au travail scolaire, la famille était allée
chercher les devoirs à faire à plusieurs reprises, sans que rien ne soit prêt.
Au
mois d’octobre, j’ai eu un message sur mon répondeur : le médecin scolaire
aurait souhaité me parler de « M… » et me demandait de prendre
contact avec l’infirmière scolaire de l’établissement.
Je
n’interviens jamais dans les établissements, sauf à la demande de celui-ci.
J’ai
pris rendez-vous avec l’infirmière scolaire.
Même
si mon temps n’était pas rémunéré, j’ai préféré la rencontrer.
L’infirmière
m’a confirmé qu’en ce début d’année, elle avait bien vu que « M… » n’était
plus la même. Elle a par ailleurs promis de veiller à ce que les devoirs soient
préparés.
Vers
la fin de notre conversation, le chef d’établissement est passé dans le bureau
et nous avons convenu qu’il me contacterait pour que je vienne discuter du cas
de « M… » avec lui.
Quelques
semaines plus tard, je l’ai rencontré.
Alors
qu’au début, il était assez sceptique, notamment en raison du fait que, suite à
un quiproquo, les devoirs attendaient depuis plusieurs semaines à l’accueil du
collège (mais j’ai montré que « M… » travaillait sur des livres
spéciaux du genre « devoirs de vacances pour toute l’année »), la
conversation s’est terminée par une véritable compréhension et de vraies propositions de sa part.
En
cas de phobie scolaire, je suis contre les emplois du temps aménagés car je
considère que le jeune se sent redevable de l’effort que l’établissement fait
pour lui et se sent doublement coupable s’il ne réussit pas à remplir sa part de
marché.
Cependant,
dans ce cas, il s’agit d’une vraie proposition : signature d’une
convention de stage d’observation dès que « M… » se sentira prête et
ensuite, entrée dans un programme d’alternance particulier : trois jours
entreprise, deux semaines à l’école avec des cours et des exercices en relation
directe avec les apports du stage.
J’étais
satisfaite de pouvoir rapporter ces choses positives à la maman qui, reprenant confiance,
a eu un discours positif qui redonnait également confiance à sa fille.
J’avais
bon espoir d’avancer vraiment mais une semaine plus tard, l’infirmière scolaire
a téléphoné de la part du médecin scolaire en exigeant de rencontrer « M… »
et sa maman, au collège, le mardi suivant.
La
jeune fille a passé une semaine sous pression.
L
e jour du rendez-vous, alors que sa mère lui demandait encore de bien vouloir l’accompagner,
elle a vu sa fille blanchir et se mettre à trembler.
La
maman a présenté au médecin scolaire un écrit de « M… », rédigé à ma
demande et dont je n’ai rien voulu corriger.
Elle
y explique ce qu’elle ressent à l’idée d’aller à l’école et de sortir de chez
elle, elle explique ce qui ne va pas.
Cela
n’a pas convaincu le médecin scolaire qui maintient l’idée que « M… »
est un enfant roi qui doit faire un effort. Elle a exigé de lui parler au
téléphone pour lui faire la morale jusqu’à ce que la maman coupe court à cette
conversation à sens unique en entendant sa fille pleurer.
En
sortant du bureau, après avoir été menacée des services sociaux et reçu les
coordonnées d’un psychologue, elle a demandé à voir le chef d’établissement qui
lui a répété mot pour mot ce que je lui avais relaté.
Depuis,
« M… » a malheureusement reculé de quelques cases et nous lui avons
caché un appel de l’infirmière scolaire qui insiste de la part du médecin pour
qu’elle réintègre le collège au mois de janvier.
Je
vais tenter de l’emmener voir un psychologue qui pourra poser officiellement le
diagnostic de phobie scolaire, de façon à ce qu’elle puisse bénéficier d’enseignement
à domicile.
Plus
l’établissement mettra la pression, plus longue sera la route…
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